Il y’ a quelques semaines, j’assistais à un séminaire très intéressant sur « Casablanca Smart City ». «Connecter» la capitale économique aux réseaux pour avoir de la « Data » en quantité et en qualité suffisante est une priorité absolue pour résoudre efficacement les différentes problématiques socio-économiques de la ville.
Pour pouvoir faire transiter et acheminer de très grandes quantités d’informations, il faudra évidemment que l’infrastructure réseau soit solide et généralisée. En effet, ce n’est pas en comptant sur l’ADSL ou sur les réseaux mobiles que nous pourrons « faire face » aux défis d’aujourd’hui et de ceux de demain !
La thématique de la deuxième édition du Symposium « Fibre Optique et Bâtiments intelligents », « Généraliser le Très haut Débit Partout et pour Tous », organisé par AOB Group, était donc on ne peut plus pertinente et d’actualité.
Résumé de cette journée fort enrichissante…
La fibre optique, une «technologie pour les riches ?»
On me demande souvent, quand je parle de « Smart City » à des néophytes, «si c’est vraiment une priorité pour le Maroc, sachant qu’il y’ a d’autres problèmes plus urgents à régler comme l’éducation, le chômage, etc…»
Si la question est légitime, elle montre cependant que la majorité des personnes considèrent malheureusement à tord que ce concept est un « problème de riches » et qu’il est complètement déconnecté de la réalité marocaine.
Cette méconnaissance du sujet peut-être un vrai handicap pour l’adoption rapide de la technologie dans notre pays, surtout quand elle touche nos autorités publiques qui sont les principaux décideurs pour son déploiement !
Heureusement, ces derniers mois, je constate qu’il y’ a de plus en plus de salons, de séminaires et de symposiums qui ont lieu dans notre pays et qui tentent de sensibiliser le grand public et les autorités sur le rôle positif et central que pourrait jouer la technologie dans notre vie de tous les jours tout en vulgarisant au maximum autour des différents nouveaux concepts.
Le Symposium Fibre Optique et Bâtiments Intelligents qui s’est tenu le 24 mai 2016 à Casablanca a, par exemple, démontré d’une très belle manière, que la fibre optique n’est pas une technologie élitiste, mais bel et bien une technologie accessible pour tous qui peut concrètement améliorer les conditions sociales des marocains !
Quand la fibre améliore le développement…
Les études des plus grands cabinets sont unanimes : Il existe une corrélation certaine entre le développement d’un pays et le déploiement de la fibre.
Le PIB d’une nation augmente de 1,5 point quand le taux de pénétration de la fibre atteint les 10% (étude Mackinsey).
De même, doubler la vitesse de connexion dans un pays augmente son PIB de 0,3 point d’après cette étude. La productivité est 14% plus élevée chez les entreprises qui sont équipées en fibre optique.
Tous ces chiffres édifiants ont été cités par Jacques Fiorella, Directeur général de Furukawa Electric Maroc. Le géant japonais est tellement convaincu des bienfaits de la fibre qu’il a décidé de construire une usine à Tanger pour sa fabrication.
Un investissement de 77,5 millions de dollars qui en dit long sur la demande en ce type de câbles dans notre pays et plus généralement en Afrique…
Mais qu’est ce donc la fibre optique et pourquoi tout le monde en parle?
La fibre optique est une technologie qui ne date pas d’hier (elle existe depuis les années 70) mais elle n’a commencé à être vraiment utilisée que dans les années 2000, grâce notamment au développement d’internet.
Une fibre optique est un fil en verre ou en plastique très fin qui a la propriété d’être un conducteur de la lumière.
Sachant que la vitesse de la lumières est d’environ 300 000 km/s, je vous laisse imaginer la manière dont la transmission de données peut être réalisée avec cette technologie !
Télévisions, téléphones, visioconférences, données informatiques, c’est toute l’industrie des télécommunications qui a connu une véritable révolution grâce à la fibre optique.
Entourée d’une gaine protectrice et enfouie sous le sol, les câbles en fibre optique possèdent donc l’avantage de pouvoir transmettre d’énormes quantités de données sur de très longues distances et cela sans pertes de Fresnel, selon Hassan Ammor, professeur à l’E.M.I.
Ce dernier a démontré scientifiquement que la fibre consomme beaucoup moins d’électricité que les réseaux câblés en cuivre utilisés pour l’ADSL tout en étant 100 fois plus rapides !
Cette efficacité énergétique de la fibre optique a aussi été vantée par Mr Rachid Naanani, président du cluster EMC (Efficacité énergétique des Matériaux de Construction).
Cet homme d’affaires qui compte à son actif plus de 13 ans d’expérience dans le domaine de la restructuration d’entreprises industrielles au Maroc, est aussi le directeur de Tamudimmo Lil Iskane, l’un des promoteurs immobiliers de référence et pionnier dans le déploiement de la fibre optiques dans le logement social !
Chiffres à l’appui, il a démontré à l’audience que l’équipement de logements sociaux en fibre optique ne revient pas plus cher que les réseaux en cuivre. Cela peut même revenir, selon lui, moins cher si une étude préalable est menée en amont avec l’aide de professionnels du domaine comme le groupe O.F.S (du groupe Furukawa) et Meditel.
Ces derniers qui étaient aussi présents à ce symposium, ont accompagné le promoteur dans la réalisation de son projet KASBAH AZZAHRAE dans la ville de Tétouan.
Ce projet social est le premier à avoir intégré la fibre optique au Maroc tout en étant associé à un couple confort thermique et d’acoustique de qualités supérieurs.
Selon Mr Naanani, les promoteurs qui n’incluront pas le facteur connectivité dans leur offre immobilière se verront distancés car l’accès à une connexion internet fiable et rapide est devenu aujourd’hui un critère très important dans le choix des acheteurs. Il est devenu tout aussi capital que le thermique et l’acoustique !
C’est pour cette raison qu’il trouve «inconcevable» que des promoteurs conçoivent encore des logements en utilisant les réseaux en cuivre : «du pur gâchis» selon lui, car tôt ou tard il faudra les remplacer par de la fibre optique, engendrant donc de nouveaux coûts qui pourraient être évités si l’installation se fait dès le début.
Constat également partagé et dénoncé par un autre précurseur de la fibre optique au Maroc, l’architecte Rachid Khayatey, président du groupe KLK, un des premiers groupes marocains de promotion immobilière à avoir vendu des bâtiments fibrés proposant une offre « quadriplay » (Internet, télévision, téléphone et vidéosurveillance).
Un besoin «infini» en connectivité pour demain !
Le Maroc a enclenché de vastes chantiers qui auront tous besoin d’une connectivité sans faille pour être vraiment fonctionnels et utiles.
En effet, comme l’a fait remarqué Mme Karkri (présidente de l’APEBI), ce n’est pas avec les réseaux mobiles qui ne représenteront que «20% de l’ensemble du trafic en 2030» ou avec les très limités réseaux ADSL que l’on arrivera à faire communiquer entre eux tous les services numériques et les nombreux objets connectés qu’utiliseront demain les marocains comme ils utilisent aujourd’hui la télévision, le réfrigérateur ou la machine à laver !
Les routes, les tramways, les hôpitaux, les écoles et toutes les infrastructures publiques et privées ont besoin d’une connectivité solide, que seul la fibre peut garantir, pour répondre aux besoins croissants de leurs utilisateurs.
En ayant accès aux informations en temps réels et en utilisant efficacement toutes les données, les autorités publiques et les entreprises pourront ainsi offrir de meilleurs services plus rapides et plus personnalisés pour chacun de leurs citoyens et clients.
La qualité de la connectivité dans les zones rurales peut aussi être un formidable facteur de développement et d’attractivité réduisant les disparités sociales et la fracture numérique qui existe ente la ville et la campagne.
Dans le domaine de la sécurité et dans un contexte brûlant de lutte antiterroriste, les services de renseignement auront aussi besoin d’un réseau fibré qui leur garantira un meilleur accès à l’information et leur permettra de relayer plus facilement les données envoyés par tous les dispositifs de surveillance et de veille récemment mis en place.
Au niveau des entreprises, de nombreux intervenants de ce symposium ont aussi souligné l’importance de la fibre dans le processus d’innovation et de compétitivité.
En effet, une entreprise ne peut pas être compétitive et innover si elle n’arrive même pas à communiquer dans des conditions « normales ». Mr Fiorella a d’ailleurs dénoncé le taux de déconnexion scandaleux (autour de 5 fois toutes les 20 minutes lors des vidéoconférences) qui prévaut au Maroc avec l’ADSL !
La France et l’Espagne, deux cas concrets de la réussite du déploiement de la fibre
Nos deux pays voisins, la France et l’Espagne, ont réussi en quelques années à déployer à grande échelle des réseaux en fibre optique en s’appuyant sur plusieurs facteurs convergents et synergiques.
Mr Didier Dillard et Yves Bazin, respectivement directeur des affaires réglementaires et directeur développement et innovation à Orange en France et en Espagne ont présenté à l’audience les différentes raisons du succès de leur stratégie de déploiement dans chacun de ces pays.
Plusieurs conditions sont nécessaires au préalable pour que celle-ci soit vraiment efficace.
Mr Didier Dillard a pris l’exemple d’un «jardin bien entretenu» pour sa comparaison avec un réseau télécoms en fibre optique bien déployé.
Il faut tout d’abord, selon lui, un «bon terreau !» c’est-à-dire un cadre législatif favorable. La loi française a effectivement décrété la fibre comme étant un droit pour tous les résidents dans les immeubles résidentiels et une obligation dans tous les logements neufs !
Il faut aussi un principe de répartition intelligent des coûts d’installation entre les propriétaires d’immeubles et les opérateurs telecoms. Ces derniers prennent en charge les câblage de l’immeuble tandis que les premiers garantissent son utilisation.
Le deuxième facteur de succès est le «jardinier» c’est-à-dire des opérateurs télécoms responsables et citoyens.
En effet, sans une saine concurrence entre ces derniers qui est en général garantie par une autorité de régulation (au Maroc c’est l’ANRT), le déploiement de la fibre ne peut se faire efficacement.
Le cadre législatif a là aussi joué un grand rôle pour obliger l’opérateur historique à partager ses infrastructures pour limiter les travaux de génie civil inutiles et coûteux ! Lorsque cela était nécessaire, les opérateurs ont convenu de se partager ou de s’échanger certains territoires pour aussi réduire les coûts !
Le gouvernement intervient aussi quand le déploiement n’est pas suffisamment rentable dans certains régions isolées grâce à un fond universel.
Au total, plus de 10 milliards d’euros ont été investis en 10 en France pour le déploiement de la fibre.
Au final, ce sont les consommateurs et les citoyens qui profitent de prix avantageux grâce à une concurrence maitrisée entre les grands opérateurs télécoms.
Mr Yves Bazin, a expliqué lui aussi comment l’Espagne a réussi à déployer le plus rapidement la fibre à l’échelle européenne : 3.6 millions d’espagnols utilisent aujourd’hui la fibre optique soit pratiquement 30% de la population !
Mr Gianni Cecchin, DG de Teleco, l’un des 3 grands opérateurs télécoms en Espagne a quant à lui, démontré, chiffres à l’appui, l’apport et les différents bénéfices de la fibre en matière de développement. Il a d’ailleurs expliqué que celle-ci a été un véritable levier de croissance durant la crise économique qu’a connu le pays en 2011 !
Aujourd’hui, sa société s’est transformé en fournisseur de contenus pour faire face à la très grosse demande en VOD (vidéo à la demande) et autres services multimédias.
Mr Gianni a rappelé que, dans un futur très proche, chaque utilisateur aura à sa disposition, en moyenne, plus de 10 appareils technologiques (Ordinateur, télévision, smartphone, tablette, casque de réalité virtuelle et augmentée, IOT, caméras, montres, etc.) et qu’il était donc primordial d’avoir une connexion à très haut débit capable de gérer tous ces informations en même temps.
Le Maroc, sur la bonne voie ou en retard ?
La question que tout marocain est en droit de se poser est la suivante : si la technologie FTTH (Fibre To The Home) possède autant d’avantages, pourquoi n’est-elle pas déployée aussi rapidement comme en France et en Espagne ?
La réponse à cette question se trouve dans les différents retards au niveau de la réglementation. Celle-ci, tant qu’elle n’a pas été mise à jour pour s’adapter à cette technologie, freine considérablement son déploiement.
Mr Ahmed Khaouja, ancien directeur des opérateurs et de la concurrence à l’ANRT pointe notamment du doigt les nombreux reports concernant l’adoption par le parlement de la loi 121-12 relative à la poste et aux télécommunications.
Cette loi concerne principalement l’épineux problème du partage des infrastructures entre les 3 opérateurs nationaux, qui est le principal frein à la démocratisation de la fibre dans notre pays !
«Le manque d’une vraie concurrence freine le développement du très haut débit», confirme Saloua Karkri Belkeziz, présidente de l’APEBI (Fédération marocaine des technologies de l’information, des télécommunications et de l’offshoring)
De même, les lois relatives à l’urbanisme (l’article 44 de la loi 12-90 et l’article 19 de la loi 25-90) devront aussi être adoptées pour obliger les promoteurs et opérateurs à équiper tous les nouveaux logements qui vont être construits à l’avenir.
Parmi les autres contraintes et freins au développement de la fibre, il faut aussi citer le manque de formation des bureaux d’études dans le domaine tel que l’a confié Mr Mohamed Boutaib, un des premiers intégrateurs en fibre au Maroc.
Au niveau des bons points, il faut saluer la stratégie de l’opérateur Meditel qui n’a pas attendu l’adoption de toutes ces lois pour investir en infrastructures pour le déploiement de la fibre.
L’opérateur est en effet le premier à avoir proposé des offres commerciales pour des particuliers qu’il a déployé en premier dans les projets CGI Casa Green Town et Palmeraie California Golf Resort à Bouskoura.
Aujourd’hui, l’opérateur a pris une bonne longueur d’avance et continue à améliorer ses prix pour faire basculer tous ses clients vers la fibre : 240 dirhams par mois pour une connexion de 12 Mb .
Pour les offres supérieures, l’opérateur propose 449 dirhams pour 50 Mb et 649 dirhams pour 100 Mb. Ces offres comprennent évidemment l’illimité vers le fixe et des heures de communication vers les mobiles.
L’un des responsables m’a d’ailleurs confirmé en «off» que tous les clients résidents en immeuble peuvent être raccordés en fibre. Il suffit de contacter leur service commercial pour basculer de l’ADSL à la fibre au même prix !
D’autres belles initiatives sont aussi à saluer comme avec le projet de ville nouvelle de Zenata, véritable écocité comme l’a expliqué l’architecte qui en est responsable Mme Houyame Mourchid du cabinet Reichen et Robert Associés International.
La futur cité qui occupe un vaste territoire de 1830 ha située à la jonction entre Casablanca et Mohammedia, sera ainsi entièrement équipée en fibre et sera donc un modèle en terme de connectivité intelligente.
Autres projets intéressants : l’Université Euro-Méditerranéenne de Fès qui sera entièrement équipée en fibre, la futur tour Othmane Benjelloun sans oublier le groupe TamudiImmo Lil Iskane qui se donne comme ambition de démocratiser la fibre dans le logement au Maroc et ce, aussi bien dans le segment du moyen standing que celui de l’habitat social.
Il faut aussi rappeler le rôle essentiel que joue le groupe japonais Furukawa et sa filiale OFS qui assurent une production en fibre et un accompagnement professionnel pour tous les promoteurs immobiliers et toute structure désirant déployer de manière efficace la fibre.
Cette 2ème édition du Symposium Fibre Optique et Bâtiments Intelligents, organisée par AOB Group, a eu comme principal mérite de nommer les différentes défaillances structurelles en identifiant clairement les principales causes du retard pris par le Maroc dans le déploiement de la fibre.
Il a aussi méthodiquement déconstruit une fausse croyance selon laquelle la fibre optique était réservée aux riches !
En proposant concrètement les pistes à suivre pour un déploiement efficace de la technololgie FFTH au Maroc et en présentant les acteurs majeurs qui peuvent y contribuer, cette rencontre a largement atteint ses objectifs…
Aux acteurs publiques et privés concernés de prendre leurs responsabilités maintenant pour faire avancer notre pays dans la bonne direction sans accuser trop de retard…
Omar Amrani.
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