© AFP Justin TALLIS
Oxfam au Maroc révèle dans une nouvelle étude sur « Les violences faites aux femmes au Maroc : entre patriarcat et limites institutionnelles » que la violence faites aux femmes et aux filles fait toujours partie intégrante de la vie des jeunes marocain·e·s qui la considèrent toujours comme « normale ».
La violence basée sur le genre est une des expressions les plus extrêmes des inégalités entre les hommes et les femmes. Certes, le Maroc est parmi les pays de la région MENA les plus avancés en matière des droits des femmes, toutefois, il reste encore des défis à relever, dont ceux liés à la persistance de stéréotypes sexistes, des comportements et des attitudes qui entravent la pleine jouissance des droits. Le sexisme et le patriarcat, présents dans la musique, la littérature, les films, les relations familiales, les amitiés et les relations conjugales, sont considérées comme tolérées et même célébrées, et ont des conséquences graves et néfastes sur les rapports individuels et collectifs au sein de notre société.
Au Maroc, cinq hommes sur dix âgés de 18 à 35 ans interrogés par Oxfam et le Rabat Social Studies Institute (RSSI), estiment que dicter à sa femme la manière dont elle doit se vêtir, est considérée comme une des responsabilités de l’homme envers son épouse. De même, trois femmes sur dix n’envisagent d’intervenir en cas d’harcèlement que lorsque la femme harcelée respecte leurs critères normatifs, notamment vestimentaires.
Pour Mounia Semlali, Responsable du Programme Justice de Genre d’Oxfam au Maroc : « Selon notre étude avec le RSSI, intitulée « Les violences faites aux femmes au Maroc : entre patriarcat et limites institutionnelles », les normes patriarcales s’imposent au niveau de la perception des rapports sociaux chez les jeunes. La prédominance de ces normes est un facteur qui favorise les violences envers les femmes et les filles. »
Elle poursuit : « une grande partie des jeunes hommes et femmes questionné.e.s dans le cadre de cette étude invoquent des valeurs patriarcales dans leur « normalisation » des violences subies dans un cadre conjugal ou dans l’espace public. Cela implique par exemple, d’imposer à la femme la manière de s’habiller, la légitimité de garder une trace de ses mouvements, que les femmes et les filles doivent toujours être soumises aux membres masculins de leur famille dans tous les aspects de leurs vies, que l’homme a toujours le droit d’avoir accès à son téléphone portable ou encore aux mots de passe de ses comptes personnels, etc. ».
Les violences basées sur le genre puisent leurs racines dans la culture patriarcale qui reproduit et légitime des imaginaires et des normes sociales machistes, tout en étant conscients que les normes sociales constituent un facteur important mais pas exclusif de ces violences. Les normes institutionnelles contribuent également à les favoriser, comme le confirme les données suivantes :
La présente étude montre que 53% des jeunes interrogé·e·s pensent que la corruption et le clientélisme sont des pratiques courantes du système et les envisagent comme des moyens efficaces pour accéder aux droits ou de freiner l’accès à la justice;
Les répondant·e·s à notre enquête mentionnent explicitement leur manque de confiance en justice.
Ce rapport montre que malgré les efforts de modernisation de la société, les rôles sociaux des femmes marocaines sont fortement influencés par des stéréotypes sexistes persistants. Loin d’être inévitable, elles peuvent être combattues par la promulgation et l’application de lois susceptibles d’assurer une meilleure protection des droits des femmes, et en contribuant à construire des imaginaires et normes sociales alternatifs positives pour le respect de toutes et tous.
La lutte contre les violences envers les femmes et les filles nécessitent des mesures concrètes et concertées entre les différents départements ministériels. L’État a un rôle important à jouer non seulement à travers la promulgation de lois susceptibles d’assurer une meilleure protection des droits des femmes, mais également en veillant à une meilleure applicabilité de ces dernières.
A partir des recommandations de cette étude avec le RSSI, Oxfam souhaite interpeller les pouvoir publics et mobiliser le pouvoir citoyen pour jouer un rôle actif, afin de contribuer à construire des imaginaires et normes sociales alternatifs positives :
1. Le point d’entrée principale est l’ÉDUCATION (au sens large, intégrant la sensibilisation et l’éducation civique). La formation du citoyen sur l’égalité doit être centrale dans les politiques éducatives et constituer un objectif transversal dans toutes les disciplines. L’éducation à la citoyenneté doit être intégrée aux différents niveaux scolaires et programmes du système éducatif. L’inculcation des valeurs de l’égalité, de la liberté et du respect des différences contribuera à la déconstruction des normes sociales qui perpétuent les rôles sociaux du genre.
2. Le dispositif religieux est à mobiliser dans l’inculcation des valeurs de l’égalité homme-femme et dans la condamnation de toute forme de violence envers les femmes et les filles. Le discours religieux sur les droits des femmes, leur place et rôle aussi bien dans la sphère privée que publique doit être harmonisé et refléter les valeurs d’égalité et de liberté telles qu’elles existent en islam.
3. L’évolution des valeurs sur la question du genre doit nécessairement transiter par l’évolution des normes institutionnelles. Réformer le cadre juridique vers plus d’égalité et intégrer l’approche genre à l’ensemble des textes de loi.
4. Enfin, la lutte contre les violences envers les femmes est étroitement liée à l’endossement total de cette problématique par l’État.
LNT avec CdP