Les premiers « gilets jaunes » convergeaient samedi vers les Champs-Elysées pour un cinquième samedi de manifestations, un test pour le président Emmanuel Macron qui peine à endiguer la fronde, malgré une série de concessions.
« La dernière fois, on était là pour les taxes, cette fois, c’est plus pour les institutions: on veut plus de démocratie directe », résume Jérémy, intérimaire de 28 ans venu depuis Rennes (ouest) « gueuler pour se faire entendre ».
Peu avant 09H30, une trentaine de personnes avaient été interpellées dans la région parisienne, bien loin des 300 interpellations recensées à la même heure samedi dernier dans le cadre de contrôles préventifs. Au total, il y eut près de 2.000 interpellations, un record.
Paris avait une nouvelle fois l’allure d’une ville en état de siège: des véhicules blindés dans la rue, des forces de l’ordre en nombre, des banques et magasins aux façades recouvertes de contreplaqué.
Autour de l’Arc de Triomphe, qui avait été mis à sac le 1er décembre, des fourgons de gendarmes mobiles étaient positionnés dès l’aube, tandis qu’un canon à eau était aperçu sur les Champs-Elysées, devenus au fil des semaines l’épicentre des manifestations. Quelque 8.000 membres des forces de l’ordre ont été déployés dans la capitale.
Mais, signe que la tension retombe un peu, la Tour Eiffel, les musées du Louvre, d’Orsay et le Grand palais, fermés samedi dernier, restent ouverts, tout comme les grands magasins à l’approche de Noël.
Les cafés étaient également ouverts pour tenter de combler le manque à gagner lié aux fermetures des samedis précédents, qui pèsent lourdement sur l’économie: la croissance, déjà faible en France, sera ainsi inférieure aux prévisions.
Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’Etat auprès du ministre de l’Economie, a chiffré la perte d’activité pour les commerces à « en moyenne de -25%, avec des pointes à -50, -70, dans certains endroits -90% ».
Les manifestations avaient réuni 136.000 personnes sur l’ensemble de la France lors des deux derniers samedis. Mais elles ont surtout été marquées par des scènes de guérilla urbaine, en particulier à Paris, des images qui ont fait le tour du monde.
« On s’attend à un mobilisation un peu moindre mais avec des individus un peu plus déterminés », a déclaré vendredi soir le secrétaire d’État à l’Intérieur Laurent Nuñez.
Un « gilet jaune » du Vaucluse (sud), Christophe Chalençon, qui fait pourtant partie des représentants « constructifs » du mouvement, a appelé à « devenir encore plus ferme », prévoyant de manifester samedi « jusqu’à la démission » du président.
Emmanuel Macron, vilipendé dans les manifestations, a lancé vendredi un appel à un retour au « calme », à « l’ordre » et à « un fonctionnement normal » du pays.
Le président, qui affronte ainsi la pire crise de son quinquennat, est déterminé à ce que ce mouvement ne sonne pas le glas de son ambitieux programme de réformes.
Face à la fronde, le gouvernement espère une baisse du soutien de la population, qui était large avant de s’amenuiser après les violents débordements.
Le président a ainsi fait une série de concessions aux « gilets jaunes », dont la plus emblématique porte sur une hausse de 100 euros des aides sociales versées à ceux qui touchent le salaire minimum. Mais ces mesures ont été diversement reçues par le mouvement, qui réclame plus de pouvoir d’achat.
« 100 euros de plus, c’est du flan, ça ne concerne qu’une minorité de personnes », a regretté samedi Ludovic, 40 ans, conditionneur cariste venu manifester à Paris.
Après l’attentat jihadiste de Strasbourg mardi qui a fait quatre morts, les appel à ne pas manifester, notamment au sein de la majorité et du gouvernement, ont aussi été rejetés par une partie des « gilets jaunes », n’y voyant aucun rapport.
Si les modérés, représentés par le collectif des « gilets jaunes libres » ont appelé à une « trêve » et estimé que « le temps du dialogue est venu », d’autres ont affiché leur détermination à redescendre dans la rue pour obtenir de nouvelles avancées sociales et économiques.
« Ca passe ou ça casse », résume le quotidien Le Parisien. « Macron mise sur la concertation pour éteindre la contestation », écrit Le Figaro.
Environ 69.000 membres des forces de l’ordre ont été déployés à travers la France, contre 89.000 samedi dernier. En régions où de nombreuses manifestations sont annoncées, des renforts sont prévus là ont eu lieu des violences, comme Bordeaux ou Toulouse, dans le Sud-Ouest.