Mme Meriem Othmani, Présidente de l’INSAF (Institut national de solidarité avec les femmes en détresse), a tenu, à l’occasion d’une conférence organisée ce 10 décembre, une diatribe contre l’exploitation des petites bonnes, phénomène qui continue de gangrener la société marocaine, en dépit des lois récentes censées le contenir.
« Elles sont âgées de 6 à 16 ans. Elles sont toutes maigres, car elles ne mangent pas à leur faim. Toutes petites, elles connaissent le froid et les humiliations. Elles dorment à la cuisine sur une paillasse. Elles n’ont jamais joué dans leur courte vie, et regardent avec envie les poupées des petites filles des maîtres. Elles sont réveillées à 6h du matin, et se couchent très tard. Elles travaillent sans relâche, et leurs petites mains, sont gercées par les produits de nettoyage corrosifs. Elles ne sont pas soignées, ne peuvent plus sortir sans parler des coups qu’elles reçoivent. si les maîtres sont insatisfaits de leur travail. Parfois nous pouvons entendre leurs cris, et leurs pleurs dans certains immeubles. Ce sont les « petites bonnes » », a-t-elle ainsi commencé son intervention.
« Nous ne pouvons pas accepter dans notre pays ce relent d’esclavagisme. Nous ne devons pas permettre le sacrifice de ces enfants, sous prétexte que leurs parents sont pauvres », a continué Mme Othmani.
D’après les études de l’INSAF, si l’on prend un village de 100 familles, 96 familles vont envoyer leurs enfants à l’école, et 4 vont envoyer leur petite fille au travail en ville. Pourtant, toutes ces familles ont subi la sécheresse de la même manière, leurs bêtes sont mortes, et elles sont toutes aussi pauvres les unes que les autres. « Nous devons dénoncer ces crimes, car il s’agit bien de crimes que cette forme d’exploitation d’un autre âge », a-t-elle martelé. Et d’ajouter : « Aucune raison ne peut justifier ces comportements cruels. Nous pouvons les libérer, juste en faisant connaitre l’article 23 de la loi 19-12 sur le travail domestique. Nous pouvons expliquer aux employeurs les peines qu’ils encourent : de 25 000 à 30 000 Dh d’amendes, voire 50 000 à 60 000 Dh d’amendes en cas de récidive, et de 1 à 3 mois de prison ».
Elle a ainsi émis l’espoir de pouvoir rendre ces filles à leurs parents, et qu’elles puissent enfin aller à l’école.
En 2002, l’INSAF, grâce au soutien financier de Yann-Borgstedt, de la fondation Womanity, a pu initier un vaste programme de rapatriement des petites bonnes. Dès que l’association a pu repérer un enfant en situation de travail domestique, elle a demandé à ses parents de la reprendre à la maison, a expliqué Mme Othmani.
« Nous avons remis 250 Dhs par mois aux parents, durant plus de 10 ans. Nous avons fourni les fournitures scolaires. Nous avons organisé des cours de soutien quand cela était nécessaire, afin qu’elles puissent rattraper le niveau. Nous les avons conduites jusqu’au baccalauréat. Nous avons pu sauver 400 petites bonnes. 34 jeunes filles ont déjà passé leur baccalauréat, 14 sont déjà à la faculté et 54 passeront leurs bac d’ici 3 ans. Une ex petite bonne vient d’être admise à l’école des beaux-arts de Casablanca. Nous continuons sans faillir ce vaste programme grâce au soutien de partenaires fidèles sans qui rien n’auraient pu se faire », a-t-elle poursuivi.
Les partenaires en questions sont l’Unicef, la Principauté de Monaco, la Coopération Espagnole (AECID), la Fondation BMCI, la Fondation CDG, le Lycée Lyautey, le Ministère de l’Emploi, les Délégations de l’Education Nationale, et les Délégations de l’Entraide Nationale. Grâce à eux, les équipes de l’INSAF sur les terrains sillonnent les villages dans les montagnes au secours de ces enfants. « La dernière que nous avons trouvé à 8 ans, elle s’appelle Aicha c’est son instituteur qui nous a signalé sa disparition. Elle est maintenant revenue à l’école », a précisé la présidente de l’institut.
Elle a ainsi appelé à diffuser le message sur les sanctions prévues par l’article 23 de la loi 19-12 en diffusant le message sur les réseaux sociaux. « Il faudrait que le Maroc entier connaisse l’article 23. Nous voulons que les employeurs aient peur des conséquences de l’emploi d’une petite bonne », a-t-elle insisté.
« Nous sommes tous concernés nous devons tous nous liguer pour leur rendre leur liberté. Elles ont droit à aller à l’école et à avoir une vie digne dans notre beau pays. Ces enfants ne sont pas ceux d’Insaf. Ce sont nos enfants à tous. Les entendez-vous ? Elles crient leur souffrance, leur solitude et leur abandon. Aidez-les ! Protégez-les ! », a-t-elle conclu.
LNT
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