Entretien avec M. Hicham Zanati Serghini, Directeur général de la CCG
Le 30 octobre dernier, à Rabat, était lancé le Fonds Innov Invest (FII), par la Caisse Centrale de Garantie, CCG, en partenariat avec des opérateurs publics et privés, nationaux et internationaux.
Comme son nom l’indique, ce Fonds est dédié au financement des start-up et autres entreprises nouvelles opérant dans le champ de l’innovation.
Dans l’entretien qui suit, M. Hicham Zanati Serghini, directeur général de la Caisse Centrale de Garantie, explique pour nos lecteurs l’importance stratégique et les missions de ce Fonds Innov Invest.
La Nouvelle Tribune :
M. Serghini, la Caisse Centrale de Garantie (CCG) que vous dirigez, a organisé lundi 30 Octobre à Rabat, la cérémonie de lancement des activités du « Fonds Innov Invest », dédié au financement de l’innovation. Pouvez-vous expliquer à nos lecteurs le processus dans le soutien de l’innovation et quel est le montant qui sera alloué à ce fonds?
M. Hicham Zanati Serghini :
Permettez-moi d’abord de rappeler que le « Fonds Innov Invest » (FII) offre de réelles opportunités en termes de financements dédiés aux porteurs de projets et aux startups innovantes. Il permet ainsi assurer un continuum dans la chaîne de financement de l’amorçage et de l’innovation.
En effet, le 30 octobre dernier, Monsieur Mohammed Boussaïd, Ministre de l’Economie et des Finances et Président du Conseil d’administration de la CCG, a procédé au lancement effectif des principales composantes de ce Fonds qui sont la labélisation de 6 acteurs de l’écosystème et la structuration de 4 fonds d’investissement dédié à l’amorçage.
Concernant les acteurs labélisés, il s’agit de App Editor, Cluster Solaire, Impact Lab, R&D Maroc, Réseau Maroc Entreprendre et Start-up Maroc. Ces 6 acteurs ont été retenus à l’issue d’un processus minutieux de sélection, basé principalement sur leur capacité d’identification de porteurs de projets et idées innovants et aussi leur capacité de les accompagner financièrement à travers deux instruments de financement que nous mettons à leur disposition.
Le premier instrument est Innov Idea qui est une aide plafonnée à 100.000 MAD, au profit d’une ou d’un jeune porteur de projet, retenu par la structure labélisée.
Cette aide est destinée à démontrer le potentiel et la faisabilité du projet innovant. Ce plafond est doublé lorsqu’il s’agit de projet porté par deux associés ou plus.
Le second instrument, Innov Start, est un prêt d’honneur, sans intérêt et sans garantie, destiné au porteur de projet ou entreprise nouvellement créée, identifié par la structure labélisée.
Son montant est plafonné à 250.000 MAD ou 500.000 MAD, selon qu’il s’agisse de projet porté par un ou plusieurs candidats. Ces prêts d’honneur sont destinés à démontrer le potentiel et la faisabilité de l’idée innovante.
Pour les stades de Seed, Early Stage et de Capital Risque, quatre nouveaux fonds d’investissement sont structurés.
Ces fonds sont Azur Innovation, Seaf Morocco Growth Fund, Green Innov Invest et Maroc Numeric Fund II.
Les deux premiers sont gérés par des sociétés de gestion que la CCG a sélectionnées à l’issue d’un processus minutieux, dans l’objectif de mobiliser des investisseurs privés dans le cadre de Fonds Public-Privé d’Amorçage.
Les deux autres Fonds sont des initiatives d’investisseurs privés que nous avons rejoints dans le tour de table. Ces quatre Fonds ont pu mobiliser 700 M.MAD, dont 300 M.MAD provenant du Fonds Innov Invest
Le lancement du Fonds Innov Invest, se fait sur la base de conventions entre les promoteurs et des sociétés de gestion et des investisseurs privés. Pouvez-vous expliciter pour nos lecteurs, les montages qui sous-tendent ce mécanisme de financement des projets innovants ?
Pour la structuration des fonds d’investissement d’amorçage, le principe est de mobiliser, à côté des ressources publiques provenant du FII, des ressources financières privées additionnelles.
L’ensemble de ces ressources mobilisées qui totalisent 700M.MAD est géré par des sociétés de gestion professionnelles, en conformité avec une stratégie d’investissement clairement définie et dans un cadre de gouvernance convenu. La mission de ces sociétés de gestion est non seulement de prendre des participations dans des startups innovantes, mais aussi d’assurer, entre autres, du conseil stratégique et l’accompagnement de la montée en charge du business pour renforcer le business model de la start-up.
Comment un acteur est-t-il labellisé ? Suffit-il qu’il appartienne déjà aux écosystème labellisés comme ceux déjà connus de l’automobile, l’aéronautique etc..
La labellisation des structures d’accompagnement obéit à un processus de sélection basé sur un cahier des charges qui précise l’ensemble des pré-requis nécessaires.
Je précise à ce niveau que la CCG projette de lancer une seconde édition pour labelliser d’autres acteurs afin de renforcer l’émergence d’un écosystème mature et viable.
M. Serghini, pourquoi ce grand projet de financement de l’innovation a-t-il été limité à 4 fonds et 3 investisseurs institutionnels ? Ne devrait-il pas être généralisé à tous les institutionnels de la place pour en élargir l’impact ?
Aujourd’hui, l’offre existante du capital investissement reste concentrée principalement sur les entreprises en phase de développement et couvre peu les premiers stades de vie des projets innovants.
Grâce au « FII », les 4 Fonds d’investissement structurés sont dédiés exclusivement à l’amorçage. Avec l’ensemble des partie prenantes à ce projet, il a été convenu de retenir 4 Fonds et ce, compte tenu de la taille du marché et ses potentialités actuelles.
Concernant les investisseurs institutionnels, il faut, tout d’abord, leur rendre hommage ainsi qu’aux équipes des sociétés de gestion qui ont réussi à les convaincre de nous rejoindre. Ces mêmes sociétés de gestion nous ont fait part de l’intérêt d’autres investisseurs institutionnels, locaux et internationaux, à rejoindre le tour de table de Fonds d’amorçage.
Quel est le rôle de la Banque Mondiale dans la création du Fonds Innov Invest ? De même, à quoi s’engagent les trois investisseurs privés, BMCE, BAD et surtout l’investisseur international, SEAF dont la spécialité est de financer les entreprises en croissance dans les pays émergents ?
La Banque Mondiale intervient dans le financement du FII grâce à un prêt de 50 M $ US consenti à l’Etat marocain. La Banque mondiale est intervenue également, au même titre que les équipes de la Direction du Trésor, de l’AMIC et d’autres parties prenantes, dans la construction de l’architecture du Fonds Innov Invest.
Pour ce qui est des investisseurs privés nationaux et étrangers, ces derniers s’engagent à mobiliser, aux côtés de la CCG via le FII, des ressources financières dans les quatre Fonds d’investissement dédiés à l’amorçage. Ces fonds ont pour objectif de réaliser des prises de participation dans des startups innovantes durant leur phase initiales et permettre ainsi de réduire le gap de financement qui existe pour cette catégorie d’entreprises.
Pouvez vous, consacrer cette dernière question à nous parler de SEAF, (Small Entreprises Assistance Funds). Fait-il partie du groupe de la Banque Mondiale, intervient-il déjà au Maroc, et quel rôle spécifique aura-t-il dans le fonds Innov Invest ?
SEAF est un investisseur international qui s’est engagé à investir dans le fonds d’investissement Seaf Morocco Growth Fund, à côté d’autres investisseurs. Il dispose d’une grande expérience éprouvée dans ce domaine et aura une grande valeur ajoutée à apporter pour assurer le succès de ce Fonds.
SEAF s’est engagé également, à l’instar des autres investisseurs intervenant dans cette initiative, à faire bénéficier le Fonds de son savoir-faire et de son expertise, développés, entre autres, dans le domaine de l’entreprenariat et de l’innovation dans des pays émergents.
Entretien réalisé par Afifa Dassouli